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REFLEXIONS ET PROPOSITIONS POUR UNE POLITIQUE NATIONALE DU PATRIMOINE
(Etat, collectivités territoriales et secteur privé)

Rapport remis par Jean-Pierre Bady, conseiller maître à la Cour des comptes, à Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture (2002)


Propositions pour une politique nationale du patrimoine

(Etat, collectivités locales et secteur privé – propriétaires, associations et Fondation du Patrimoine -)

Ces propositions relèvent à la fois de la décentralisation et de la réforme de l’Etat qui, comme la commission l’ a relevé, sont étroitement liées.

1 – Placer l’inventaire général du patrimoine sous la conduite des régions (programmation et conduite des opérations) ; les outils méthodologiques resteraient définis à l’échelon national, mais en commun ; des conventions d’opérations seront passées par les régions avec les départements, les groupements de communes et les communes, qui apporteraient des moyens complémentaires.

2 – Confirmer la responsabilité de l’Etat dans les décisions d’inscription et de classement, tout en associant davantage les propriétaires publics et privés à l’instruction des dossiers et à leur examen dans les commissions spécialisées ( modification de la composition de la CSMH, des CRPS et des CDOM )

3 – Encourager les collectivités territoriales, en particulier les communes, à sauvegarder des bâtiments de moindre importance artistique mais liés à l’histoire ou à l’architecture de la collectivité, urbaine ou rurale, sur la base d’une liste prise en compte dans les PLU, quand ils existent ou grâce au label de la Fondation du patrimoine.

4 – Conserver la législation (1962) sur les secteurs sauvegardés, tout en précisant le rôle de la commission locale et en assouplissant les règles de modification du plan de sauvegarde.

5 – Garder la législation concernant les abords des monuments historiques et sa mise en œuvre par les ABF, mais parallèlement :

· encourager le développement de la procédure des ZPPAUP ( avec maintien des avantages fiscaux) ;

· renforcer la prise en compte du patrimoine dans les PLU ;

· favoriser la création de périmètres de protection modifiés (PPM) qui se substitueraient au périmètre « classique » des abords de monuments historiques ;

· faire un bilan de l’application de la loi SRU dans les 3 ans qui suivront la loi de décentralisation.

6 – Améliorer le rôle de l’ABF :

· en développant sa mission d’information générale avant et après qu’il rende son avis conforme, pour expliquer aux élus, associations et particuliers les principes et les conséquences de son intervention;

· en simplifiant le régime des avis demandés à l’ABF (par exemple, avis sur travaux concernant un MH situé aux abords d’un autre MH, en secteur sauvegardé ou en site inscrit) et en hiérarchisant leur degré de priorité ;

· en ouvrant aux propriétaires et aux représentants locaux d’associations reconnues d’utilité publique (RUP) la possibilité de faire appel des « avis conformes » de l’ABF devant la section compétente de la CRPS: modification dans ce sens de l’article 112 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

7 – Affirmer le rôle de maître d’ouvrage des propriétaires publics et privés, à condition que soient prévus les instruments administratifs, techniques et financiers qui permettront de l’exercer : services patrimoniaux propres (dans les grandes collectivités), établissements publics (agences régionales ou départementales, EPCC intercommunaux, EPCI de droit commun), sociétés d’économie mixte (SEM). Recours possible à la maîtrise d’ouvrage déléguée de l’Etat (assurée par les CRMH), tant que les autres instruments n’auront pas été mis en place.

8 – Maintenir le rôle de l’ABF pour l’entretien (en précisant cette notion) des bâtiments classés, mais prévoir à moyen terme la possibilité pour les collectivités de recourir aux services « d’architectes-urbanistes patrimoniaux » territoriaux ou d’architectes du patrimoine, sous forme de contrats de prestations.

9 – Modifier les conditions d’intervention des architectes en chef des monuments historiques (ACMH) :
– augmenter leur nombre ( + 50% en 5 ans pour passer de 51 à 75), par l’organisation de concours annuels et d’un tour extérieur permettant de recruter, après avis d’une commission spécialisée, des architectes français et européens présentant les références souhaitables (ABF, architectes spécialisés) ;
– laisser le libre choix de l’ACMH aux propriétaires , sur la base d’une liste de trois noms proposés par l’Etat et d’une convention de 5 ans révisable en cas de difficulté et renouvelable une fois.

10 – Confirmer la responsabilité de l’Etat (préfet de région) en matière d’autorisation de travaux, mais en instituant un interlocuteur unique, un délai d’accord tacite et une possibilité de recours gracieux contre un refus d’autorisation, le recours étant examiné après avis de la CRPS.

11- Confirmer la responsabilité de l’Etat (DRAC-CRMH) pour entretenir et restaurer les édifices lui appartenant, avec le concours des ABF (pour l’entretien) et des ACMH (pour les travaux de restauration) qu’il désigne.

12- En ce qui concerne les crédits :

* Déléguer sous la forme de dotations fléchées « monuments historiques » les crédits de l’Etat – PRNP, entretien, travaux sur les monuments inscrits et classés – à un niveau de collectivité territoriale (région ou département) qui sera fixé après une expérimentation menée dans deux régions tests (Lorraine, Midi-Pyrénées) ;

* Substituer, en conséquence, la règle d’un financement public à celle d’un financement par le ministère de la culture pour justifier l’intervention de l’ACMH ;

* Prévoir, pour l’attribution des crédits, une programmation au niveau territorial retenu ( avec le concours technique des DRAC/CRMH et en y associant les représentants des propriétaires privés) ;

* Doter le niveau territorial retenu d’instruments d’analyse appropriés des dotations annuelles pour dégager la part des crédits consacrée respectivement aux propriétaires publics et privés.

13- Permettre à l’Etat (ministère de la culture) de jouer un rôle de péréquation grâce à l’attribution de crédits destinés à des interventions prioritaires ou urgentes.

14- Associer davantage la Fondation du patrimoine (dont les ressources seraient accrues grâce à l’affectation du produit des successions vacantes) à la politique d’entretien et de restauration du patrimoine non protégé. Encourager les collectivités territoriales à passer des conventions avec la Fondation du patrimoine.

15- Réformer la procédure des études préalables :
– en distinguant, d’une part, les études préliminaires (comprenant aussi l’état sanitaire du monument) qui seraient de la responsabilité de l’Etat et des propriétaires publics et privés et, d’autre part, les études préalables davantage liées aux travaux ;
– en associant les propriétaires à l’élaboration et à la conclusion technique et financière des études préalables ;
– en évitant, voire en supprimant la superposition des avis de l’administration sur ces études.

16- Diminuer sensiblement le nombre de monuments dont l’Etat est propriétaire : réexamen de la liste, étude des demandes d’acquisition de collectivités publiques ou du secteur privé. Permettre, à l’inverse, si l’intérêt historique et la charge financière le justifient, l’accueil dans le patrimoine de l’Etat de certains monuments historiques.

17- Réduire le rôle de gestion du Centre des monuments nationaux, en raison même des transferts de propriété évoqués au point 16 et par la conclusion de conventions de gestion avec des partenaires publics (collectivités locales) ou privés (associations ou secteur privé). Donner au Centre des monuments nationaux un rôle d’expertise, comme agence spécialisée, pour la mise en valeur et l’animation du patrimoine architectural, à l’intention des propriétaires publics et privés. Donner au CMN la qualité de maître d’ouvrage pour les opérations relatives aux monuments dont il assure la gestion.

18- Garder sous la responsabilité de l’Etat la délivrance du label  » Villes et pays d’art et d’histoire ».

19- Modifier dans un délai de deux ans les cadres d’emplois territoriaux pour assurer l’équivalence entre métiers de l’Etat et métiers des collectivités locales : filières d’architecte-urbaniste territorial du patrimoine et métiers techniques, grade de conservateur général, métiers de l’inventaire.

20- Supprimer la procédure de fixation périodique, par arrêté du ministre de l’intérieur, de quotas d’emplois pour les conservateurs territoriaux du patrimoine ; mais fixer par décret les seuils de niveaux de postes.

21- Garantir aux agents de l’Etat un droit d’option, dans un délai de 3 ans, en cas de transferts de leurs services aux collectivités locales.

22- Veiller à la prise en compte dans le régime des mutuelles et des retraites des collectivités locales des carrières des fonctionnaires d’Etat détachés ou intégrés dans les cadres d’emplois territoriaux.

23- Veiller à ce que les collectivités territoriales prévoient des mesures d’accompagnement, notamment social, en faveur des personnels transférés.

24- Redéfinir le rôle, la place et les moyens du Centre des hautes études architecturales
(ex-Ecole de Chaillot) pour la formation des architectes spécialisés du patrimoine ; déconcentrer au niveau régional certains de ses enseignements et stages.

25- Développer le rôle de l’Institut national du patrimoine pour la formation des conservateurs des antiquités et objets d’art et des attachés de conservation (en liaison avec le CNFPT) et pour l’information des élus locaux sur les questions patrimoniales (organisation de sessions locales).

26- Veiller à la formation des milieux spécialisés (entreprises, artisans, métiers d’art ) et des propriétaires, grâce à l’aide apportée par l’Etat et les collectivités locales aux structures publiques ou privées (associations conventionnées).

27- Encourager la constitution de directions départementales de l’architecture et du patrimoine (DDAP) sous la responsabilité du département, ayant compétence en matière d’inventaire, d’antiquités et objets d’art, d’architecture et d’urbanisme, ainsi que leur coopération avec les CAUE, voire la fusion de ceux-ci avec ces directions.

28- Assurer un véritable contrôle scientifique et technique de la politique du patrimoine architectural :

· élaboration des outils méthodologiques de l’inventaire général et contrôle de leur application, grâce à une inspection renforcée ;

· création d’un statut de fonctionnaire pour les inspecteurs généraux des monuments historiques ( architectes) avec un mode de rémunération adéquat ;

· diminution du nombre des régions dont est responsable chaque inspecteur général ;

· renforcement du rôle de l’inspection générale auprès du ministre de la culture et de la communication.

29- Présenter tous les deux ans un rapport au Parlement sur l’état du patrimoine français.

Lire le rapport dans son intégralité

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