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La terre qui meurtA LIRE

Un essai de Françoise Choay est toujours un document intéressant à prendre en main et une réflexion à prendre en compte. Dans La terre qui meurt, l’historienne des théories et des formes urbaines et architecturales enfonce une fois de plus le clou de son combat face aux effets normatifs -et selon elle menaçant – de la mondialisation et de la marchandisation du patrimoine.

Ci-dessous mon avis, puis celui de l’éditeur


Ce que j’en retiens

En moins de cent pages Françoise Choay développe à nouveau, dans la seconde partie de La terre qui meurt, son discours sur les menaces que font peser la mondialisation normative, notamment véhiculée par l’Unesco, et la marchandisation, ou la muséification – du patrimoine. De ce point de vue, les lecteurs de son précédent ouvrage intitulé Le patrimoine en questions Anthologie pour un combat n’apprendront rien de fondamentalement nouveau. Mais à ces derniers comme aux nouveau lecteurs de Françoise Choay il y trouveront une belle synthèse de sa pensée même si je continue de préférer le  développement offert par l’essai précédant et si je regrette des affirmations parfois trop succincte (l’oeuvre et l’intérêt d’un Jean-Marie Billa à Saint-Macaire (Gironde) est mieux expliquée dans le livre précédent) ou pas assez vérifiée (Notamment quand l’auteur cite un refus par le maire d’Albi du label Unesco en 2010, ce qui est malheureusement contredit ici).

En revanche, j’ai pris un vif intérêt à lire la première partie de l’essai qui en quatre chapitre brosse un brillant et synthétique portrait de l’évolution de l’espace urbain de la France. Cette synthèse est la reprise d’un travail déjà publié en 1969 sous le titre d’Espacements et qui n’a  rien perdu de sa pertinence.

Au premier chapitre, l’auteur dessine le bourg médiéval comme un espace de contact qui « sert l’information en se prêtant aux  relations humaines, au rapport de bouche à oreille ». Un espace où « tout et tous se touchent, dans la rue, d’un édifice à l’autre ». Un lieu qui ne fait pas encore la part belle à la roue.

Moins favorable au contact humain, l’époque classique (XVIIe et XVIIIe siècles) conçoit l’espace urbain « pour l’oeil » seul et non plus pour le corps ni pour les autres sens. Les villes et leurs espaces publics se scénarisent, se théâtralisent. Les « embellissements » sont confiés à des artistes. Le pouvoir politique, triomphant et centralisateur, peut désormais y organiser ses parades à la hauteur de sa puissance et de sa gloire. L’information y devient éminemment politique et institutionnelle.

Les XIXè et XXè siècles, plus proches de nous, aménagent l’urbanisme non plus en fonction du piéton mais des moyens de transport. C’est, en autre, une grande part de l’oeuvre exemplaire accomplie à Paris par le baron Haussmann entre 1853 et 1870. Ainsi s’élabore un « système circulatoire général » qui percent de grandes voies de « liaison rapide » reliées entre elles par des rond points de connexion. Oeuvre circulatoire mais aussi hygiéniste avec la création « promenade plantées, de parcs et de square ». La rue n’est plus le lieu de l’information « confiée à des officines spécialisées » (bibliothèques, sièges de journaux…), les habitations se dissocient et s’éloignent du lieu de travail (tendance contestée par le phalanstère de Godin à Guise), les centres villes s’effacent…

Aujourd’hui, selon Françoise Choay, pour certains de nos contemporains l’espace urbain serait une lointaine réalité qui s’effacerait devant l’impérieuse nécessité  d’être ou de rester « connecter », notamment par les nouvelles technologies de l’information. Cette évolution, plus brutale et radicale qu’il n’y parait, interroge l’historienne : « Une fois esquissé l’espace de connexion, qui devient le cadre de nos activités, la question  se pose de l’ancien espace de contact. Appartient-il-il désormais au passé ? » Le contact humain étant alors restreint à des lieux spécifiques : entreprise, supermarché, club de sport, domicile familial… Autant de caractéristiques d’une société qui s’individualise et se communautarise. « Ou bien, reprend l’auteur, l’ancien espace de contact urbain, plus extérieur et moins instrumental, est-il irremplaçable pour un apprentissage, une information non plus du savoir ou des institutions, mais des relatuions interpersonnelles de base, celles qui contribuent à former la personne humaine ? Dans l’affirmative, il serait à réinventer selon des normes contemporaine. »

Espace de contact, de spectacle, de circulation puis de connexion, Françoise Choay fait plus que décrire les évolutions et rupture qui marquent l’espace urbain. Elle fait toucher du doigt notre façon de vivre et d’habiter notre patrimoine historique. Lieux de vie et de contacts ou musées marchands ? Là est la question qu’elle nous pose.

Ce qu’en dit l’éditeur

Quel avenir pour le territoire alors que son aménagement n’est plus considéré comme le socle de nos sociétés ?
Cri d’alarme fondé sur une réflexion qui demeure à la pointe de l’actualité, La terre qui meurt concerne chacun d’entre nous. Du tissu serré d’où émergent les cathédrales gothiques, des percées haussmanniennes aux villes nouvelles, puis aux agglomérations proliférantes d’aujourd’hui, Françoise Choay pointe à chaque occasion comment les mentalités, les savoirs techniques et les pratiques économiques ont marqué la ville et l’urbain. Face aux effets normatifs de la mondialisation et à la marchandisation du patrimoine, Françoise Choay appelle à retrouver le contact perdu avec la Terre.

Biographie de l’auteur

Docteur d’Etat en philosophie. historienne des théories et des formes urbaines et architecturales, Françoise Choay a enseigné à Paris-VIII, à Louvain-la-Neuve, au Politecnico de Milan, à Chaillot et aux Etats-Unis (MIT, Princeton, Cornell). Par ailleurs critique d’art et directeur de collection au Seuil. Elle a reçu pour son oeuvre le premier Grand Prix national du livre d’architecture (1981) et le Grand Prix national du patrimoine (1995).

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