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Information lue sur le site de L’Est Eclair, cette information qui concerve aussi les vestiges de l’ancienne abbaye cistercienne de Clairvaux, suivie de mon commentaire :

Abbaye et centrale de Clairvaux / BS pour Le Monde de la Bible 2015
Abbaye et centrale de Clairvaux / BS pour Le Monde de la Bible 2015

Centrale de Clairvaux : le permis de démolir déposé

La direction interrégionale des services pénitentiaires a déposé un permis pour démolir plusieurs bâtiments de la centrale. Les semaines à venir seront cruciales.

La procédure de démolition partielle de la centrale de Clairvaux est enclenchée. Vendredi 20 janvier, la direction interrégionale des services pénitentiaires Centre Est, représentée par son directeur Pierre Duflot, a déposé un permis de démolir à la mairie de Ville-sous-la-Ferté.La note descriptive du dossier est claire : «  Le projet concerne la démolition de quatre bâtiments qui se trouvent au sein de la maison centrale de Clairvaux  ». Le « B », qui accueillait jusqu’à ces derniers mois une partie des détenus, le « D », ainsi que des ateliers sont concernés par cette destruction.

(…) Dans sa réponse à une question écrite du député de la circonscription Nicolas Dhuicq, défenseur du maintien de Clairvaux, le ministère de la Culture a déjà évoqué la nature des bâtiments visés.«  Le ministère de la Justice envisage, dans l’immédiat, la démolition de deux immeubles, aujourd’hui inutilisés. Ces immeubles sont des constructions récentes, sans intérêt architectural particulier. Il conviendra bien sûr de les documenter avant destruction, car ils participent de la longue histoire pénitentiaire du site, mais leur démolition ne semble pas poser de difficulté  ».

Il a ensuite précisé les modalités de leur démolition. «  Cette démolition sera encadrée par les services de la Drac : les bâtiments concernés, s’ils ne sont pas eux-mêmes protégés au titre des monuments historiques (au contraire de certains autres éléments, plus anciens, construits pendant la période pénitentiaire) sont en effet en plein cœur du site, largement classé et inscrit, et relèvent donc des abords des monuments historiques. Leur démolition doit être approuvée par l’architecte des Bâtiments de France. Par ailleurs, cette démolition exige certaines précautions, notamment au titre de l’archéologie. Le projet sera donc, à ce deuxième titre, accompagné par les services de la Drac  ».

Recours administratif

En cas de validation du permis de démolir à l’issue de l’instruction, ce dernier est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif… Lire la suite sur Centrale de Clairvaux : le permis de démolir déposé – lest-eclair.fr

Mon commentaire

Si une dizaine d’abbayes furent sauvées par Napoléon 1er lorsqu’il prit la décision de les transformer en prison, telle l’abbaye du Mont saint-Michel, toutes ne sortent pas indemne de leur expérience carcérale. On regrettera toujours la démolition de l’abbatiale de Clairvaux et l’on se console un peu, et peu à peu, de voir ce site passer progressivement des mains du ministère de la Justice à celles du ministère de la Culture.

En 2015, j’ai visité le site à l’occasion des célébrations des 900 ans de l’abbaye cistercienne fondée par Bernard de Clairvaux. J’ai observé cette lente reconquête culturelle du site.

Voici un extrait de l’article que j’avais écrit dans le N°214 du Monde de la Bible (septembre 2015) :

Clairvaux 900 ans après

(…) De l’abbatiale de Clairvaux fondée en 1115 par saint Bernard, il ne reste rien aujourd’hui. Une prison nouvelle a été édifiée sur ses fondations en 1970. « Pourtant, écrit André Vauchez, membre de l’Institut de France (…), même dans son état actuel et compte tenu des destructions advenues au cours des siècles, cette abbaye constitue encore aujourd’hui le plus grand ensemble de bâtiments monastiques existant dans le monde occidental… » Ces vestiges considérables de l’abbaye cistercienne témoignent du rayonnement exceptionnel qu’elle connut tant en France qu’en Europe. Une influence telle qu’on la présenta comme une rivale de la prestigieuse abbaye de Cluny. Neuf cents ans après sa fondation, il est légitime qu’on se souvienne d’elle et de son illustre fondateur Bernard de Clairvaux.

Grange monastique de l'abbaye de Clairvaux / BS pour Le Monde de la Bible 2015
Grange monastique de l’abbaye de Clairvaux / BS pour Le Monde de la Bible 2015

Aussi curieux que cela puisse paraître, la recherche historique sur l’ordre de Cîteaux et les abbayes cisterciennes, si foisonnante depuis quelques décennies, n’a que peu produit sur l’abbaye de Clairvaux. Et ceci est d’autant plus étonnant que son fondateur, Bernard connut une influence et une aura telle qu’il éclipsa longtemps les fondateurs de l’ordre et que ses moines ont souvent été présentés comme des « bernardins », comme si Clairvaux avait effacé Cîteaux et Bernard fait oublier les véritables fondateurs, Robert de Molesme et Étienne Harding.

bâtiment des frères convers / BS pour Le Monde de la Bible
bâtiment des frères convers / BS pour Le Monde de la Bible

Un retour aux fondamentaux

Reprenons l’histoire depuis son début (…). L’ordre de Cîteaux a été fondé en 1098 dans un élan réformateur du monachisme bénédictin, initié par Robert de Molesme et prônant un retour aux fondamentaux de la règle de saint Benoît faite de prière, de travail et de silence. Une voie qui s’oppose alors à celle des clunisiens à qui les cisterciens reprochent notamment d’avoir abandonné le travail manuel et d’être enclins à rechercher un certain confort matériel. Succédant au fondateur, Étienne Harding, élu père abbé de la communauté, donne un véritable essor à l’abbaye de Cîteaux, attirant à elle de nombreuses vocations monastiques dont celle de Bernard de Fontaine et de plusieurs membres de sa famille. Cette foison de recrutement pousse l’abbé à créer de nouvelles fondations, « filles » de Cîteaux. C’est ainsi qu’en juin 1115, il envoie Bernard, âgé de 25 ans et moine depuis seulement deux ans, fonder une abbaye avec une douzaine de compagnons, dans un vallon boisé, nommé Clairvaux, non loin de Bar-sur-Aube.

Une réforme iconoclaste

BS pour Le Monde de la Bible
bâtiment des frères convers / BS pour Le Monde de la Bible

La vie menée à Clairvaux, comme à Cîteaux, est ascétique, rien ne doit distraire le moine de la prière, pas même l’art. De ce point de vue la réforme est iconoclaste. Aucun vitrail historié, aucune statue ne viennent accrocher le regard dans les abbatiales et chapelles de l’ordre qui présentent un dépouillement total, symbole de pureté et de pauvreté auxquelles aspirent les religieux vêtus d’une bure blanche. À travers les vitrines (d’une) exposition présentée à Troyes (en 2015-2016), le regard s’attarde volontiers sur la Grande Bible de Clairvaux qui bien qu’enluminée se contente de grandes lettres initiales de « style monochrome » et peinte en camaïeu. Pas d’image. Elle tranche et étonne au regard d’autres bibles manuscrites présentées, richement décorées et illustrées, et qui appartiennent elles aussi à la bibliothèque de l’abbaye bernardine.

Ces documents précieux, qui dénotent avec l’ascétisme de l’ordre religieux, n’ont pas été produits sur place et proviennent de dons. Ainsi ce psautier d’Henri de France (1121-1175), troisième fils de Louis VI, qui se retira à Clairvaux, apportant avec lui une douzaine de manuscrits. Ou encore cette Bible de saint Bernard, copiée et enluminée à Chartres vers 1145-1150, fruit d’un don de Thibaud II, comte de Champagne, à Bernard, en remerciement de l’arbitrage du moine cistercien dans un conflit qui l’opposait au roi Louis VII. Une bible qui a parmi d’autres particularités, selon Patricia Stirnemann, de l’IRHT, de présenter le psautier dans la version hébraïque, et de raconter la vie de saint Paul dans les initiales historiées des épîtres pauliniennes. Ce trésor de l’abbaye sauvé à la Révolution, un des plus importants d’Europe médiévale, est en cours de numérisation et progressivement mis en ligne sur le site www.archives.aube.fr.

Un rayonnement européen

Ces dons prestigieux témoignent non seulement de l’influence spirituelle mais aussi politique du fondateur de Clairvaux. Et du rayonnement de l’abbaye. À la mort de Bernard, l’abbaye compte plus de 800 moines, dont l’un d’entre eux est devenu pape sous le nom d’Eugène III, et 169 fondations nouvelles en France et à l’étranger. À elle seule, Clairvaux fournit plus de la moitié des 651 abbayes cisterciennes recensées en Europe en 1250. Formidables irrigateurs, bâtisseurs, cultivateurs, vignerons, les moines cisterciens font de leurs abbayes de fructueux domaines agricoles. Leurs domaines s’agrandissent au gré des dons et sont dotés de granges et de caves que l’on peut encore admirer aujourd’hui.

L’abbaye devient prison

BS pour Le Monde de la Bible 2015
BS pour Le Monde de la Bible 2015

De nos jours, l’abbaye de Clairvaux reste la seule des dix prisons que Napoléon Ier décida d’installer dans des bâtiments monastiques. Rachetée par l’État en 1808 à cette fin, l’abbaye est remaniée au détriment de parties importantes de son architecture médiévale : l’église et le vieux monastère ont été rasés.

Batiment des frères convers à gauche BS pour le Monde de la Bible 2015
Batiment des frères convers à gauche / BS pour le Monde de la Bible 2015

Seul subsiste du temps des fondations le bâtiment des frères convers, « chef-d’œuvre de l’art médiéval comparable en importance au Collège des bernardins à Paris », selon André Vauchez. En 1971, les prisonniers ont quitté le grand cloître et les bâtiments édifiés au XVIIIe siècle. En intégrant une nouvelle prison quelques mètres plus loin, ils ont ainsi libéré des espaces repris par le ministère de la Culture et que l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux s’efforce de rendre accessible aux visiteurs depuis 1985. Les bâtiments des convers et la chapelle des prisonniers (ancien réfectoire des moines), nouvellement restaurés grâce à un programme de grande ampleur, sont les points d’orgue du nouveau parcours de visite de cette abbaye-prison qui voudrait que l’on n’oublie pas son glorieux passé.

Benoit de Sagazan

chapelle des prisonniers / BS pour Le Monde de la Bible 2015
chapelle des prisonniers / BS pour Le Monde de la Bible 2015

 

Partie du grand cloître, déserté par les prisonniers / BS pour Le Monde de la Bible 2015
Partie du grand cloître, déserté par les prisonniers / BS pour Le Monde de la Bible 2015

 

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2 Commentaires
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Boulic
Boulic
4 février 2017 9 h 28 min

Votre site est superbe, lorsqu’il y il a des prévisions de démolition de patrimoine, pourquoi ne lancez vous pas des pétitions ? vous auriez énormément d’impact