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Jeudi 2 mars 2017, La Quotidienne, sur France 5, consacrait sa rubrique « Conso » au sujet : Eglises à vendre peut-on en faire n’importe quoi ?

Entourés de leurs experts-chroniqueurs, Maya Lauqué et Thomas Isle m’ont invité à en parler sur le plateau de l’émission.

Voici le lancement du sujet : Des dizaines d’églises, abbayes et prieurés sont mis en vente chaque année en France par l’Etat, par l’Eglise ou par de simples particuliers. Alors peut-on faire n’importe quoi avec un bâtiment issu du patrimoine, une église de surcroît ?


Eglise à vendre : peut-on en faire n’importe quoi ?

De l’exercice

Il n’est jamais facile pour moi, plus journaliste de l’écrit que de la parole, de m’exposer à cet exercice. Le sujet doit être traité en moins de 12 minutes, reportage compris. Il faut donc être concis et user d’images concrètes pour ne pas lasser. Sur un sujet aussi sensible, on aurait envie d’apporter mille et une nuances, dire que toutes les situations ne se ressemblent pas forcément. Mais le temps imparti et le rythme de l’émission ne le permettent pas.

Les animateurs et leurs experts étaient bienveillants, ainsi qu’Anne-Laure de Reviers, la journaliste qui a préparé le sujet et qui m’a briefé avant l’émission. Cet exercice de style exige que l’on ramasse ses idées, qu’on les contracte au risque de les caricaturer. La prise de parole est à la mesure de ce risque, sans perdre de vue qu’une idée ou deux peuvent être données et qu’elles aideront certains téléspectateurs à réfléchir à frais nouveau sur ces questions difficiles, délicates et complexes.

Ai-je été à la hauteur ? Je n’en sais rien. Mais j’ai accepté ce risque.

Puisque ce blog me le permet, je voudrais ici exprimer plus profondément ma réflexion sur la question.

La question de la vente du patrimoine religieux se pose dès les commencements du christianisme. L’historien Philippe Martin (Lyon 2, Institut Supérieur d’Etude des religions et de la laïcité) nous apprend que dès que IVe siècle la question de inaliénabilité du patrimoine cultuel est posée et qu’elle est à nouveau posée quasiment à chape époque, jusqu’à nos jours. Question qui sera à détailler un jour prochain sur ce blog.

Parler aujourd’hui de la vente d’église, tout aussi spectaculaire soit-elle, ne vient toutefois à ne parler que quelques cas. Moins d’un dizaine d’églises sont mises sur le marché chaque année. Elles y restent souvent longtemps car il n’est pas simple de réaménager réaffecter un tel bâtiment à un usage pour lequel il n’a pas été fait. Pour que la greffe prenne, il faut un projet solide et cohérent, qui ne soit pas indigne de la symbolique de l’édifice. Il faut aussi des moyens financiers, car l’église est classée ou inscrite aux monuments historiques, la réversibilité du nouvel aménagement est exigée. Il faut enfin qu’il soit accepté par la population environnante et le voisinage.

Les trois usages légitimes du patrimoine religieux

J’ai dans mes tiroirs un inventaire des églises réaménagées pour un usage autre que cultuel. Je le publierai au cours de l’année. Déjà la diversité des usages est ample, parfois étonnante pour ne pas dire étrange. Quelle leçon en tirer ? La réponse à cette question mériterait à elle seule un long développement. Il va falloir affronter cette question de face. Peut-être, quand le culte ne suffit plus à faire vivre une église ou une chapelle pourrait-on se rapporter à Bonnefoye de Bonyon qui, en 1784, définissait au patrimoine religieux trois usages légitimes : le culte, l’action sociale ou charitable, les arts (c.f. Philippe Martin, in Une question millénaire / Patrimoine religieux. Désacralisation, requalification réappropriation, Riveneuve éditions 2013). Autrement dit, quelles activités autres que cultuelles peuvent recevoir nos églises ? L’action sociale, peu explorée, et les arts, davantage lors des concerts, sont des voies intéressantes pour continuer à habiter nos églises, sans les priver définitivement de leur usage cultuel.

Réflexion en trois phases

Car, je ne le redirai jamais assez, poser la question de la vente d’une église ne devrait être possible seulement quand toutes les autres solutions ont été épuisées. C’est pour cela que je propose une étude de l’avenir de nos églises en trois phases :

  1. Que nos églises vivent d’abord leur vie d’église. Pour cela il faut aussi que la communauté chrétienne qui en a la charge admette que les églises sont construites pour toute la population locale et pas seulement pour les fidèles pratiquants réguliers. La messe, ou culte eucharistique, ne saurait être la seule liturgie apte à faire vivre une église et à accueillir les paroissiens (au sens large du terme). Il faut imaginer d’autres propositions à l’adresse de ceux qui ne mettent jamais ou très rarement les pieds à l’église. L’action sociale et les arts peuvent être aussi de bon relais pour rassembler et déployer autrement le message chrétien dans de tels édifices.
  2. Si la communauté chrétienne locale n’a pas les forces humaines suffisantes pour faire vivre un tel lieu, peut-on réfléchir à des usages partagés avec la société civile, le monde associatif et la vie municipale ? Des exemples existent, en France et à l’étranger.
  3. Si toute vie chrétienne devient impossible dans une église, il vaut mieux alors songer à vendre l’édifice et à lui trouver un nouvel usage, plutôt que l’abandonner avant de le démolir. Ne serait-ce que pour ne pas injurier l’avenir. Avant d’être rendu partiellement à la vie monastique, le mont Saint-Michel fut sauvé par sa transformation temporaire en prison ; l’abbaye cistercienne de Sylvanès (Aveyron) connut une part de sa vie en exploitation agricole avant de redevenir un phare de la liturgie contemporaine sous l’égide du dominicain André Gouzes ; l’abbaye de Boscondon (Hautes Alpes) a retrouvé une vie spirituelle, tournée vers l’accueil, après avoir été abandonnée bien avant la Révolution puis transformée en habitations… En revanche, autre phare de la Chrétienté, l’abbaye de Cluny, réduite à une carrière de pierres et perdue au trois-quart, ne cesse d’être pleurée par les nombreux visiteurs de ses vestiges, près de deux-cents ans après…

 

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